« Je voudrais que vous sortiez de mes images plus souriant qu’en y entrant. Plus souriant, ou plus serein. Ou tout simplement plus enfant.

Je photographie pour faire voir un monde en beau (avec persévérance, car la réalité crue ne m’accorde souvent qu’une pâle complicité).

Je suis myope. J’aime cette bulle de temps, au réveil, avant d’avoir chaussé mes lunettes, où le monde est incertain, où les lignes vibrent et se fondent, où fange et détritus disparaissent, deviennent des courbes alléchantes, des spectres mystérieux, des masses de couleur pure.
Je mets mes prothèses oculaires, et le monde devient net d’un coup. Dur et coupant, douloureux parfois. Ce monde remis aux normes de la vision standard est-il plus vrai que le mien ? Non (tout comme celui que voit une mouche, un cheval ou un rat est aussi juste que la Terre des hommes).

C’est ma vision, celle d’un univers doucement chancelant, tantôt protecteur, tantôt confus ou irrésolu, que je voudrais partager.

La planète est mon chevalet, je compose la toile sans tricher (mais à partir de quand la photo ment- elle?). Je laisse le monde vivre, à sa guise, n’interviens pas dans la parade du genre humain. Spectatrice bienveillante et transparente, je m’en imprègne. Je joue des flous et des incertitudes, les dompte à ma façon et tente de les restituer à votre imaginaire : une histoire à vous approprier, le regard plongé au cœur d’un mouvement figé.

Où s’arrêtent les photos de l’ailleurs ? Où commence le voyage intérieur ? Moi, je ne sais pas, je vis ces images dans la continuité. Je vous laisse décider du lieu de la frontière, si frontière il y a. »

Véronique Durruty